CNRD
Centre National Ressources Douleur
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Sophrologie et douleur


Type de document : Actes de congrès
Auteur(s) : Hayaert, A.
Congrès : Douleur provoquée par les soins - 16ᵉ journée de l'A-CNRD
Date : 14/10/2021
Lieu : Espace Charenton, Paris

Mots clés : sophrologie / conscience / sophronisation / système nerveux autonome / Journée de l'A-CNRD


Sophrologie et douleur
Arnaud HAYAERT, Directeur de l’Institut de Sophrologie de Rennes

Dans le cadre de la présentation de la sophrologie, j’ai volontairement mis l’accent sur l’aspect du vécu corporel car cette méthode se vit plus qu’elle ne s’explique ! La présentation détaillée de la sophrologie ne fait pas partie de l’oratoire, elle sera faite dans cette présentation écrite uniquement.
Après la découverte de quelques outils de base de la sophrologie, il est important de comprendre la notion fondamentale de répétition des exercices, leur utilité, leur fonctionnement.
La dernière partie de la présentation sera la démonstration d’un rééquilibrage neuro-végétatif apporté au patient par les outils répétés de la sophrologie.

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La sophrologie, créée en 1960 par le neuropsychiatre Alfonso Caycedo, est définie comme une « nouvelle école scientifique qui étudie les modifications de la conscience humaine ». Les sources d'inspiration de la sophrologie sont multiples : l'hypnose, la phénoménologie, la relaxation progressive d'Edmund Jacobson, le training autogène de Schultz, ainsi que le yoga et la méditation.
En pratique, la sophrologie est utilisée dans le secteur de la santé en complément de l'approche thérapeutique notamment pour des maladies chroniques, et elle est mentionnée dans le plan Cancer 2014-2019 comme un « soin de support », susceptible de réduire l’anxiété des patients. Elle est également utilisée dans différents domaines tels que la santé, l’entreprise, l’éducation, le social, l’emploi et le sport ou encore dans la gestion du stress.
La sophrologie a pour objectif de faire prendre conscience et de dynamiser, concrètement, physiquement et de façon positive, les qualités et ressources dont nous disposons toutes et tous. Elle permet enfin de donner naissance à de meilleures possibilités d’adaptation aux nouvelles conditions de vie en société.
La sophrologie a d'abord été utilisée dans les milieux de la médecine obstétricale et du sport de compétition. Elle est devenue dans les années 2000 plus largement populaire. En 2018, il y avait plus de 10 000 sophrologues en France. Pour baliser la profession, les États Généraux de la formation en sophrologie, regroupant une trentaine d'écoles, ont fixé un minimum de formation de 300 heures, en au moins deux ans.
Le ministère de la santé français présente le témoignage d'un usage fait en 2011 en milieu hospitalier de la sophrologie dans le cadre de soins de suite de patients en cancérologie.
En France, la sophrologie a pénétré le secteur de la santé, notamment le domaine des pathologies chroniques. Ainsi, il n’est pas rare que des patients atteints de cancers se voient proposer, pendant ou après des traitements de chimio ou radiothérapie, la pratique de la sophrologie comme « soin de support ». Cette offre provient le plus souvent du secteur associatif d’aide aux malades, mais de plus en plus souvent aussi en interne au niveau des différents services des institutions médicales.
En septembre 2019, un projet du Centre de ressource documentaire ministériel propose de classer la sophrologie dans les « thérapeutiques et soins », dans le sous-ensemble « Médecine psychosomatique, médecine comportementale, sophrologie, hypnose ».
A l'occasion de la crise sanitaire liée au coronavirus, plusieurs articles de la presse généraliste relatent des utilisations de la sophrologie pour faire face aux risques de décompensation ou plus simplement pour lutter contre le stress.
Les différentes techniques en sophrologie utilisent les notions concrètes de corps et de respiration. Il y a, comme dans toute notion d’apprentissage nouveau, une notion primordiale à bien intégrer : le principe de répétition ! L’adage « c’est en forgeant que l’on devient forgeron », n’est pas une exclusivité réservée à ce corps de métier ! La sophrologie a pour 2 principes fondamentaux (appelés lois), le fait de s’exercer à vivre la présence de son corps en conscience, et le fait de répéter l’exercice. Il en serait de même si vous deviez apprendre l’hébreu ou la clarinette !
Les exercices ou pratiques en sophrologie se réalisent dans un état modifié de conscience.
Les ondes cérébrales ont de multiples fonctions : elles déterminent l'état mental de l'individu (veille, éveil, conscience, etc.), elles contrôlent les fonctions cognitives, et on a découvert qu'elles sous-tendraient les interactions sociales.
On peut parler de différents états de conscience selon la fréquence des ondes cérébrales observées à l’électroencéphalogramme (EEG) :
  • Ondes GAMMA : l'état de veille attentive pendant lequel l'attention est captivée - activité intellectuelle, écoute...,
  • Ondes BETA : l'état de veille "ordinaire" pendant lequel notre attention est relâchée,
  • Ondes ALPHA : l'état dit "sophro-liminal" qui se trouve entre la veille et le sommeil,
  • Ondes THETA : le sommeil comprenant différentes phases - sommeil léger, sommeil lent-profond, sommeil paradoxal.
  • Ondes DELTA : le sommeil profond


Le niveau de conscience qui nous intéresse en sophrologie, le niveau « sophroliminal » concerne les ondes alpha liminales du cerveau, environ entre 8 et 12 Hz, soit un taux de synaptisation optimal. Ces ondes alpha caractérisent en effet un état de conscience apaisé et elles sont principalement émises lorsqu'une personne a les yeux fermés. En état sophroliminal, on a conscience de tout mais on se trouve en état de détente corporelle et mentale profonde, plus conscient et plus à l'écoute de son monde intérieur. Moins conscient du monde extérieur, on n'en reste pas moins lucide de ce qui se passe autour de nous. Le corps et le mental en présence l’un de l’autre, on vit dans l'ici et maintenant.

Dans la posture assise ou debout, les yeux fermés, en écoutant les paroles du sophrologue, il se produit une « mise hors tension progressive ». Au niveau électro-encéphalographique, c'est un abaissement des ondes Beta (conscience d'éveil) aux ondes Alpha-théta (conscience d'intégration). Mais comment arriver à ce fameux niveau ?

En sophrologie, nous avons 3 techniques, appelées techniques clés qui permettent, comme le nom l’indique d’ouvrir cette possibilité d’accès à la conscience.

La première technique clé (Sophronisation de base vivantielle), est basée sur l’expiration. Elle permet un relâchement conscient et profond.

Dans la phase suivante, la deuxième technique clé (Sophro-déplacement du négatif) est basée sur l’expiration également. C’est la « tentative de neutralisation des tensions psychiques et corporelles » (micro-tensions), afin de dégager les voies de la sensorialité et le retour somato-sensoriel au niveau cortical. Il s’agit de « tenter de neutraliser » parce qu'il ne suffit pas d'inspirer et de souffler le négatif pour qu'il disparaisse, ce serait trop simple. La réduction implique également en sus de la mise hors tension psychocorporelle, la mise à l'écart de toutes sortes de jugements, d'a priori, présupposés et autres doutes quasi-pathologiques.

La troisième technique clé (Sophro-activation vitale) est basée, elle, sur l’inspiration. Elle reconnecte à l’énergie contenue dans le corps, elle est ici activée consciemment.

Le résultat de ces trois techniques clés est l'accès à un niveau de conscience transitoire, qui n'est ni de l'éveil, ni du sommeil, ni de l'hypnose, mais une zone médiane que nous appelons « niveau idéal d'intégration ». Ce niveau d'intégration idéal est un niveau de conscience particulier où les contraintes sensorielles extérieures sont réduites, comme le sont également une bonne partie des afférences sensori-motrices (neutralisation musculo-squelettique). Dans cet état particulier, on peut dire que le corps et le cerveau s'observent et dialoguent mutuellement en toute « liberté causale » et ce dernier point est important et nous différencie profondément de l'hypnose.

Le système neurovégétatif de l'homme, appelé également système « autonome, viscéral ou involontaire », se définit par son rôle et par son organisation anatomo-physiologique. Il joue un rôle de régulation et de coordination des fonctions dites végétatives, et intervient dans la plupart des activités métaboliques. Ses fonctions ne sont pas soumises au contrôle volontaire excepté la respiration.

Ce système nerveux végétatif comprend :

  • Le système nerveux parasympathique (ralentissement général des organes, stimulation du système digestif). Il est associé à un neurotransmetteur : l’acétylcholine.

  • Le système nerveux sympathique, ou orthosympathique, correspondant à la mise en état d’alerte de l’organisme et à la préparation à l’activité physique et intellectuelle. Il est associé à l’activité de 2 neurotransmetteurs : la noradrénaline et l’adrénaline (dilatation des bronches, accélération de l’activité cardiaque et respiratoire, dilatation des pupilles, augmentation de la sécrétion).

Chargé de l’innervation du milieu intérieur, son champ d’innervation concerne les viscères, les glandes exocrines et endocrines, et la vasomotricité. Au plan moteur, il innerve donc toutes les fibres musculaires lisses. Au plan sensitif, il transmet la sensibilité viscérale, qui s’exprime par la sensation d’hyper-péristaltisme, la douleur par tension ou réplétion des viscères creux, par compression d’épanchement intra-péritonéal ou hypertrophie d’un viscère plein. De nombreuses manifestations cérébro-spinales s’accompagnent de réactions végétatives (efforts physiques et sudation, traumatisme somatique et nausées, par exemple).

La santé étant l’équilibre entre le sympathique et le parasympathique :

- L’inspiration stimule le sympathique, on parle de fonction ergotrope ;

- L’expiration stimule le parasympathique, on parle de fonction trophotrope.

La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle ou décrite dans des termes évoquant une telle lésion. Elle est individuelle et subjective. Elle ne peut pas être réduite à de simples causes lésionnelles.

Classiquement, la douleur a 4 composantes :

  • une composante sensori-discriminative : c'est la sensation douloureuse (durée, intensité, localisation...) évaluée par des échelles spécifiques.
  • une composante affectivo-émotionnelle : c'est l'impact des affects et des émotions dans le ressenti douloureux.
  • une composante cognitive : c'est l'impact des croyances, des interprétations, mais aussi des expériences antérieures sur le vécu douloureux.
  • une composante comportementale : ce sont les manifestations comportementales de la douleur (postures antalgiques, tensions musculaires...) évaluées avec des échelles spécifiques chez les patients non communiquant verbalement.

Quand la douleur est aiguë, elle est considérée comme un signal d'alarme utile et protecteur. Si elle perdure au-delà de 3 mois, voire 2 mois après un geste chirurgical, elle devient une douleur chronique.

Quand la douleur s'installe durablement, elle devient délétère et impacte considérablement la vie quotidienne de la personne atteinte. Des comportements, des attitudes voire des croyances vont venir altérer sa vie intime, personnelle, familiale, sociale et professionnelle. Des troubles anxieux, voire des angoisses peuvent apparaître et favoriser un repli sur soi, un isolement social et peuvent conduire à une grande souffrance psychologique voire à la dépression. Il en résulte souvent une consommation de médicaments psychotropes (anxiolytiques, somnifères...) en complément des antalgiques (dont les morphiniques). Aussi, la douleur chronique est-elle une problématique multi-factorielle complexe et, de ce fait, nécessite une prise en charge globale, bio-psycho-sociale et donc multidisciplinaire, souvent longue.

La sophrologie est ici présentée comme rééquilibrage complet du système neuro-végétatif :

  • Vider (EXPIR) notre corps, notre organisme pendant les 2 premières techniques clés, fonction trophotrope, pour mieux le remplir et l’habiter pleinement ;
  • Ré-habiter notre corps, le « remplir » (INSPIR) pendant la 3ème technique clé, fonction ergotrope, pour mieux le préparer à être plus acteur que spectateur.

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Mettre des mots sur des maux !

Voici, pour finir, un exemple récent de prise en charge qui ne sera pas présenté pendant l’oratoire.

Il s’agit d’un apport des 12 séances de sophrologie (lors d’un stage d’application, avec l’Institut de Sophrologie de Rennes, réalisé avec 5 patientes douloureuses au CHU de Brest, au Centre d'Evaluation et de Traitement de la Douleur, effectué du 15 janvier au 23 avril 2021).

Ce suivi a été évalué par les patients comme :

  • un temps de pause pour les 5 participantes
  • un temps de ressourcement et de recentrage pour 4
  • de la détente et du relâchement pour toutes les 5
  • une libération des tensions surtout émotionnelles voire physiques : pour 2 oui, pour 2 mitigé, pour 1 non
  • un calme intérieur pour 4 personnes
  • un lâcher-prise pour 4 personnes
  • un apaisement pour 4 personnes
  • un mieux-être global a été ressenti pour 4 personnes, bilan plus mitigé pour 1 personne

Ainsi, la sophrologie peut, dans le cadre d'une prise en charge pluridisciplinaire, contribuer à améliorer le vécu de la douleur chez les patients douloureux chroniques.

Elle y a toute sa place en complément d'autres méthodes thérapeutiques médicamenteuses et non médicamenteuses.

Merci de votre lecture et attention, n’oubliez pas que vous avez tous les substances endogènes nécessaires au rééquilibrage de bon nombre de vos perturbations internes !






Notice n° 8966, créée le 15/09/2021, mise à jour le 11/04/2023