Expérience fausses croyances, addiction, effets secondaires...quelles connaissances à partager ? Type de document : Actes de congrès Auteur(s) : Grunberg, Philippe Congrès : Douleur provoquée par les soins - 15ᵉ journée de l'ACNRD Date : 15/10/2020 Lieu : Espace Charenton, Paris Mots clés : opioïde / addiction / Journée de l'A-CNRD Dr. Philippe Grunberg, Responsable du CSAPA de Montfermeil (93)
Mes liens d’intérêt - Généraliste pour rappeler que pour l’OFDT[1] la douleur est le sujet de 43% des consultations de médecine générale et que la majorité des prescriptions d’opioïdes en France est le fait des généralistes. - Addictologue hospitalier pour signaler que, en plus des habituels usagers de drogues illicites, je vois de plus en plus à ma consultation des patients confrontés à des problèmes d’addictions aux anti douleurs. - Je ne reçois pas les visiteurs médicaux. Ils savent que je n’accepte pas leurs invitations et donc ne m’en proposent plus mais je ne refuse pas une discussion quand je les croise.
En 1986, l’OMS a classé les antalgiques en 3 paliers d’utilisation graduelle :
Proposée d’abord pour traiter les douleurs cancéreuses, le principe était de n’aborder un palier supérieur que lorsqu’on avait épuisé les effets des médicaments du palier précédent. Cette classification est encore largement utilisée. Pourtant les connaissances sur les mécanismes de la douleur, la gestion de douleurs non cancéreuses, et des douleurs aiguës intenses ne permettent plus de s’en contenter. On préfère maintenant parler de médicaments non opioïdes (correspondant aux ex paliers I), opiacés faibles (ex palier II) et opiacés forts (ex palier III), et médicaments anti-neuropathiques. De même le mode de prescription par paliers successifs n’est plus adapté.
Mon propos sera donc de parler des opioïdes. D’une façon générale, ils ont a peu de choses près les mêmes caractéristiques :
Les opiacés forts sont prescrits sur ordonnances sécurisées avec des durées de délivrance et de prescription très encadrées. La morphine sert de référence. Elle est la seule qui n’est pas sous l’influence du CYP450. Ses différentes formes (LP, LI, gouttes, injectables) permettent une titration progressive et son utilisation chez l’enfant. Les gélules peuvent être détournées et injectées chez les usagers de drogues, et font l’objet d’un marché noir important.
L’oxycodone est métabolisé par le CYP 450 donc son effet, bien que plus puissant que la morphine est variable selon les individus et l’interaction avec d’autres médicaments. Il est le principal produit impliqué dans les morts d’overdose aux USA principalement à cause d’une présentation mensongère par le laboratoire Purdue qui le faisait passer pour un produit sans risque ni d’overdose ni de dépendance et donc pouvant être prescrit dans toutes les douleurs même les plus banales. En France, sa prescription a énormément progressé ces dernières années, loin d’atteindre heureusement les niveaux américains
Le fentanyl : également impliqué dans les overdoses états-uniennes. Il est 100 fois plus puissant que la morphine. Il est vendu sous forme de patch transcutané de longue durée d’action (3 jours) et aussi sous forme de pastilles ou sucettes ou spray nasal. Ces dernières formes, d’action ultra rapide et très courte sont extrêmement addictogènes et soumises à des restrictions de prescriptions : uniquement les douleurs paroxystiques d’origine cancéreuse, et à condition d’un traitement de fond par des opiacés forts.
Les Médicaments de Substitution aux Opiacés (MSO) : ce sont des opiacés forts utilisés pour traiter les patients dépendants en supprimant les effets du manque. La buprénorphine est un agoniste/antagoniste c’est-à-dire qu’elle possède une dose plafond (plus d’effet au-delà d’une certaine dose) et le risque de décès par overdose est faible Par contre elle ne peut être associée avec les autres opiacés et est donc peu maniable dans le traitement de la douleur.
La méthadone : opiacé fort de longue durée d’action (24h). C’est un agoniste pur et il est donc susceptible d’entraîner des overdoses. Elle ne peut être prescrite pour l’instant que par les centres spécialisés ou les hôpitaux. Un certain nombre de généralistes impliqués dans la prise en charge des usagers de drogues réclament depuis plusieurs années la possibilité de la prescrire en ville. Elle n’a pas d’AMM pour la douleur, sauf depuis cette année comme traitement adjuvant dans les douleurs cancéreuses.
Un antagoniste pur : la naloxone, c’est l’antidote des opiacés et donc le traitement miracle des overdoses. D’action immédiate mais très courte, elle est disponible en pharmacie sous forme d’un kit injectable tout prêt. Ce kit devrait être dans la trousse à pharmacie de tout utilisateur d’opiacé fort, au même titre que le glucagon chez les diabétiques sous insuline.
Conclusion Mon propos est d’alerter sur le risque des opiacés faibles qui doivent bénéficier des mêmes précautions d’usage que les opiacés forts. De même il ne faut pas craindre d’utiliser quand c’est nécessaire les opiacés forts et en particulier la morphine qui est plus efficace et maniable à faible dose que les opiacés faibles. Une surveillance stricte de l’évolution de la douleur et des modalités d’usage des opiacés, plus facile avec les ordonnances sécurisées permet de limiter les risques d’addiction. La prudence dans la progression des doses et la mise à disposition systématique du kit de naloxone devrait limiter le risque d’overdose et faciliter l’usage des opiacés forts pour le plus grand bénéfice des patients.
Références
https://www.prescrire.org/fr/3/31/51416/0/NewsDetails.aspx
https://www.em-consulte.com/article/1287986/opioides-et-risques-addictifs-quelle-est-la-situation
https://www.rvh-synergie.org/images/stories/pdf/opioides-forts-et-faibles-maj-2019.pdf
[1] OFDT : Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies Notice n° 8807, créée le 23/06/2021, mise à jour le 11/04/2023 |