Méthadone, c'est aussi un antalgique ! Type de document : Actes de congrès Auteur(s) : Picard, Stéphane Congrès : Douleur provoquée par les soins - 15ᵉ journée de l'ACNRD Date : 15/10/2020 Lieu : Espace Charenton, Paris Mots clés : méthadone / antalgique / opioïde / Journée / CNRD / dossier documentaire
La méthadone est un des nombreux dérivés de la péthidine, découvert par les Allemands en 1938. La méthadone se présente comme un racémique, c'est-à-dire qu’elle existe sous deux formes moléculaires symétriques dans l’espace (images en miroir) mélangées. Après dépôt d’un brevet, elle est utilisée par les armées allemandes en 1941. A la fin de la deuxième guerre mondiale, la formule est récupérée par le laboratoire Lilly sous le nom de Dolophine. Du fait de posologies trop fortes, la molécule ne sera plus utilisée. C’est en 1964 que débutera le début de la substitution pour les personnes âgées dépendantes à l’héroïne du fait d’un pic plasmatique faible et retardé dans le temps.
Pharmacologie Mais la méthadone possède des propriétés pharmacologiques intéressantes en analgésie. Outre l’activation du récepteur mu, elle a une action anti-NMDA (N-méthyl-D-aspartate), comme la kétamine, inhibe la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (comme certains antidépresseurs utilisés en traitement des douleurs neuropathiques ou le tramadol) et prévient la désensibilisation des récepteurs mu. Les recommandations de bonnes pratiques concernant l’antalgie des douleurs rebelles de janvier 2020 notent : « Le changement d’opioïde en faveur de la méthadone peut être envisagé en cas de douleur rebelle liée au cancer après une évaluation effectuée par une équipe spécialisée (soins palliatifs ou douleur), et en deuxième intention, après échec d’au moins un traitement opioïde bien conduit (AMM[1]) (grade C) ». Ces recommandations sont un écho à la nouvelle AMM (commission de la transparence avis du 18 septembre 2019) qui permet, enfin, l’utilisation de la méthadone à visée antalgique et non plus uniquement dans une indication de substitution. Elle aboutit à une nouvelle spécialité : le ZORYON® par le laboratoire BOUCGARA-RECORDATI, alors que la méthadone que nous utilisions était fabriquée par l’Assistance – Publique Hôpitaux de Paris. Cependant, ces remarquables propriétés antalgiques ont un prix :
Protocoles d’initiation En raison de ces différentes caractéristiques, il existe deux protocoles d’instauration de traitement par la méthadone selon que l’on maintient ou pas l’opiacé de base. Il faut appliquer une règle stricte sécuritaire, valable pour ces deux protocoles : les premières doses ne devant pas être supérieures à 30 mg. Il n’y a pas de différence d’efficacité et d’effets secondaires entre ces deux protocoles [Poulain JPSM 2014].
Le protocole sans chevauchement dit « stop and go » est décrit dans les recommandations HAS de janvier 2020 :
Le protocole avec chevauchement consiste à diminuer l’opiacé de base de 30 % sur 3 jours puis de l’arrêter. Dans le même temps, l’efficacité de la méthadone augmente du fait du relargage progressif. La conversion de la dose d’opiacé de base pour l’équivalent méthadone peut se faire par différentes formules. La plus simple est celle de Plonk : Méthadone = 15 + MEO/15. Une synthèse des formules est disponible dans Research [Baumrucker, 2016]. Quel que soit le protocole utilisé, il existe un risque de surdosage à partir du 3ème, 4ème jour. Sur les 146 patients de l’étude de Poulain, 19 overdoses ont été observées. Il parait indispensable que les initiations de méthadone se fasse en milieu hospitalier. Pour notre part, ces initiations sont faites uniquement dans l’USP de notre groupe hospitalier. La « co analgésie » A côté de ces protocoles visant un changement complet au profit de la méthadone, il existe un protocole québécois permettant d’utiliser la méthadone comme « co-analgésique » [VINAY 2015]. Même si le terme est peu adéquat du fait que la méthadone est un analgésique, l’idée de fond est que l’on utilise plus les propriétés anti-NMDA, et d’inhibition de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline que l’action sur les récepteurs opiacés.
Les règles sont :
Il ne sera pas possible d’utiliser la forme gélule du ZORYON® car son plus faible dosage est de 5mg.
[1] AMM : Autorisation de Mise sur le Marché Notice n° 8806, créée le 23/06/2021, mise à jour le 17/09/2024 |