Demandes répétées de MEOPA : soulagement ou addiction? exemple de la drépanocytose Type de document : Actes de congrès Auteur(s) : Maillard, Frédéric Congrès : Douleur provoquée par les soins - 12ème journée de l'A-CNRD Date : 12/10/2017 Lieu : Faculté de Médecine des Saint-Pères, Paris Mots clés : MEOPA / addiction / drépanocytose / Journée / CNRD Demandes répétées de MEOPA, soulagement ou addiction ? L’exemple de la drépanocytose
Frédéric Maillard (CNRD, Paris)
La douleur de la drépanocytose Connue également sous le vocable d’anémie à hématies falciformes, cette maladie génétique transmise sur le mode autosomique récessif touche historiquement les populations noires d’Afrique, mais aussi d’Amérique depuis la traite négrière, et d’Europe avec les mouvements migratoires actuels. La mutation du 6ème codon de la chaine de β-globine confère à l’hémoglobine des globules rouges des caractéristiques physico-chimiques qui, dans certaines conditions de la vie courante, particulièrement l’hypoxie, sont susceptibles de la polymériser sous forme solide, déformant les globules en faucille. Des anomalies de la surface membranaire du globule sont également responsables d’une adhésion pathologique aux parois vasculaires. Ces phénomènes corpusculaires sont à l’origine d’épisodes vaso-occlusifs pouvant toucher tout organe vascularisé, avec des conséquences cliniques très variées[1], la plus fréquente et la plus connue étant la douleur, extrêmement intense, touchant les os, les articulations, l’abdomen, principalement. Les crises douloureuses peuvent survenir dès la première année de vie, et sont récurrentes tout au long de l’existence. Conjuguées aux effets organiques délétères de cette hémoglobine pathologique, les crises douloureuses les plus graves conduisent ces patients régulièrement à l’hôpital, affectant lourdement le développement et la qualité de vie du jeune patient, comme de sa famille, puis plus tard le patient adulte. Si chaque crise peut être vécue ponctuellement comme un accès de douleur aigue intense, la répétition de ces accès parfois subintrants, et les douleurs liées aux lésions organiques durables font du patient un « douloureux chronique », dans un contexte anxiogène de maladie évolutive grave, potentiellement mortelle, et dont il n’existe pas actuellement de traitement curatif disponible en routine [1-3].
La prise en charge habituelle des crises vaso-occlusives (CVO) douloureuses Au domicile, de nombreux patients décrivent des épisodes douloureux pouvant alors être traités soit avec des ordonnances d’antalgiques « de secours » établies d’une consultation à l’autre, soit avec de l’automédication. Les crises les plus graves conduisent à l’hospitalisation, la douleur en étant le motif le plus fréquent. Initialement codifiée chez l’enfant, puis chez l’adulte, la prévention et le traitement des complications de la maladie a été, ces dernières années, formalisée par des recommandations [4-7]. La prise en charge de la douleur s’appuie sur des logigrammes basés de l’évaluation de l’intensité douloureuse pour conduire à l’administration d’antalgiques des paliers OMS correspondants. Ainsi, les CVO, généralement très douloureuses, justifient-elles souvent la prescription dès l’arrivée aux urgences de morphine intraveineuse, et ce pour une durée de quelques jours selon l’évolution. Au plan pratique, les soignants impliqués doivent régulièrement faire preuve de dextérité et inventivité pour mettre en place un abord veineux chez ces patients au capital vasculaire très altéré[2]. Dans ces conditions, l’utilisation du MEOPA, relevant du consensus d’experts, est citée chez l’enfant, évoquée pour l’adulte, et peut avoir un intérêt pour la conduite des soins et comme au plan antalgique pour la maladie [8]. Déjà couramment utilisé en service de pédiatrie lors des ponctions veineuses, il n’est pas rare qu’au cours d’une hospitalisation pour CVO, et alors que des doses importantes de morphine sont déjà dispensées[3] et que la douleur persiste, que le patient trouve un soulagement en inhalant en plus du MEOPA [9]. Non mentionné pour l’adulte dans ce cas, la recommandation pédiatrique propose une dose maximale de 20 à 30 minutes 3 fois par jour.
MEOPA : mécanismes, précautions, surdosage et intoxications Le MEOPA est obtenu par un mélange fixe de 50% de protoxyde d’azote et de 50% d’oxygène, ce gaz antalgique permet de réaliser une sédation consciente dans l’environnement de soin de routine sans nécessiter de matériel de réanimation. Les mécanismes d’action du protoxyde d’azote, son principe actif, pourraient impliquer différents sites [10] : les récepteurs opioïdes, les voies médullaires inhibitrices descendantes, les récepteurs NMDA, et les récepteurs GABAA. Le MEOPA est soumis à prescription comme tout médicament, il doit être délivré par un personnel formé spécifiquement[4]. Son AMM date de 2001, avec la possibilité d’une utilisation hors de l’hôpital depuis 2009. En septembre 2016, l’ANSM rappelait, entre autres, que la dispensation du MEOPA devait être tracée, et ne s’effectuer de façon répétée que sur une période maximale de 15 jours[5]. Son profil de sécurité est satisfaisant mais il existe des contre-indications et des effets toxiques en cas de surdosage qu’il est nécessaire de connaitre. Par une exposition prolongée (ou à intervalles courts) le protoxyde d’azote en excès peut inactiver la vitamine B12, empêchant la production d’une part de la méthionine nécessaire à la constitution des gaines de myélines, et d’autre part de tétrahydrofolate nécessaire à la constitution de l’ADN. La traduction clinique en est essentiellement neurologique (neuropathie, myélopathie) et hématologique (atteinte des lignées cellulaires à régénération rapide). La prévention et le traitement reposent sur l’apport de vitamine B12. Schématiquement, des cas d’intoxication avérée au protoxyde d’azote ont été rapportés :
Ces situations sont néanmoins difficilement comparables de par la disparité du caractère addictif ou pas de la consommation, de l’existence ou pas d’une prescription médicale, du mode d’approvisionnement du principe actif, et … de l’existence ou non d’une douleur à soulager.
Les conflits Bien implanté dans les services de pédiatrie, en particulier pour prévenir la douleur provoquée par les soins, le MEOPA prend, avec la drépanocytose de l’enfant et de l’adolescent, un rôle supplémentaire face à la douleur de la maladie elle-même. Par son impact sur le déroulement de la prise en charge hospitalière, le MEOPA affecte les relations entre patients et soignants, lorsque ces derniers doivent répondre à des demandes répétées et insistantes d’inhalations, les traitements antalgiques recommandés étant pourtant déjà administrés à forte doses. De nombreux témoignages rapportent des conflits avec les patients ou au sein des équipes. Pour beaucoup de soignants, l’indication du MEOPA semble se limiter à la prévention des douleurs provoquées par les soins, en dehors de quoi toute demande de MEOPA correspondrait à la recherche d’effets différents de l’antalgie. Il est reproché à des patients d’arracher volontairement leur perfusion pour obtenir le produit lors d’une nouvelle séance, espérée, de pose d’abord veineux ; certains crient, voire harcèlent les équipes... On a vu des enfants en demande finalement se satisfaire d’une auto-inhalation à travers leur masque…débranché[6] ! L’attitude des professionnels n’est pas univoque : « complaisants » et « rigides » s’affrontent sur le comportement à adopter vis-à-vis du patient. Le désir de soulager un jeune patient, et la suspicion du possible abus d’un médicament dont les doses cumulées pourraient s’avérer toxiques constituent deux injonctions paradoxales. Certaines croyances encore véhiculées à propos de la contre-indication absolue au MEOPA en cas de drépanocytose, des résistances à son utilisation, plus ou moins étayées, perdurent et renforcent la méfiance des soignants envers le produit. L’expression incongrue de la douleur, teintée tantôt de lassitude, tantôt d’agressivité, le décalage culturel fréquent, renforcent la défiance envers les patients.
Pour quelles raisons le MEOPA pourrait-il soulager la douleur drépanocytaire ? Au cours de la drépanocytose, on peut envisager schématiquement le contrôle de la douleur d’une part en atténuant l’impact tissulaire de son étiologie principale, la vaso-occlusion (hyperhydratation, transfusions, NO[7]) et d’autre part en ciblant le message nociceptif en administrant des antalgiques (anti-inflammatoires, morphine). Présenté comme un antalgique d’efficacité modérée [19], dit « de surface », l’expérience montre que le MEOPA semble néanmoins avoir la propriété de soulager la douleur drépanocytaire réputée pourtant des plus intenses. Cette hypothèse peut s’appuyer sur différentes notions développées ces dernières années autour de la morphine, du protoxyde d’azote, et des mécanismes de la douleur drépanocytaire.
Pour ces patients, l’efficacité du MEOPA pourrait être d’autant plus appréciée que celle de la morphine semble trouver quelques limites. Outre la tolérance habituellement observée lors de traitements prolongés, on a mis en évidence pour la morphine chez le drépanocytaire une clearance plus élevée que la normale, en lien avec une augmentation du débit sanguin hépatique et rénal de la maladie [20] et, comme dans la population générale, des variations génétiques peuvent également concerner son métabolisme, celui de ses dérivés, celui de ses récepteurs [21]. Ces modifications pharmacocinétiques et pharmacodynamiques conduiraient aux renouvellements plus fréquents de doses de morphines plus importantes.
Les propriétés anti-nociceptives du protoxyde d’azote semblent liées à une activité opioidergique[8] endogène du tronc cérébral levant l’inhibition des voies noradrénergiques descendantes médullaires, inhibitrices du message nociceptif [10].
Le protoxyde d’azote est un antagoniste des récepteurs NMDA[9] postsynaptiques qui transmettent le message nociceptif lors de la fixation du glutamate [22]. Cette propriété, mise en évidence en contextes post-opératoires [23, 24] lui permet de réduire non seulement la tolérance et l’hyperalgésie observées lors de traitement prolongés avec de la morphine, mais aussi la sensibilisation centrale de la douleur chronique, laissant entrevoir une efficacité sur les douleurs neuropathiques [25].
Reconnu comme « co-facteur » de la douleur, l’anxiété est efficacement diminuée par le protoxyde d’azote. Le mécanisme de cette action semble calqué sur celui des benzodiazépines, et à ce titre, elle est bloquée par leur antidote, le flumazénil (Anexate®). A l’inverse d’autres antalgiques, le MEOPA possède un effet dissociatif, qui influence les composantes affectivo-émotionnelles et comportementales de la douleur [10]. Soulignons que son délai d’action très court, 3 minutes, peut constituer la motivation principale de son inhalation, pour un soulagement rapide.
Lors d’une crise douloureuse vaso-occlusive, la combinaison des phénomènes d’hypoxie/reperfusion entrainent des lésions ischémiques et de l’inflammation qui stimule les nocicepteurs périphériques, générant le message à l’origine de la douleur. Cette approche nociceptive univoque du mécanisme de la douleur drépanocytaire a longtemps justifié, à l’instar du cancer, l’emploi d’antalgiques des paliers de l’OMS, dont la morphine est un représentant réputé des plus puissants.
La sensibilisation centrale est un processus par lequel des signaux nociceptifs excessifs, venant de la périphérie et bombardant le système nerveux, finissent par modifier, à la baisse, de façon permanente, le seuil de perception douloureuse. Des stimuli de plus faible intensité peuvent plus facilement intégrer un message perçu finalement comme de la douleur, et avec une intensité amplifiée. Le rôle de la sensibilisation des récepteurs NMDA au glutamate dans ce phénomène de neuroplasticité est reconnu, et constitue un élément important dans le développement des douleurs neuropathiques [26].
Des douleurs neuropathiques ont en effet été dépistées lors de l’étude d’échantillons de patients drépanocytaires à l’aide de questionnaires spécialisés [27-29]. L’origine de ce type de douleur peut s’expliquer par les lésions nerveuses cumulées au décours des événements vaso-occlusifs répétés.
Les nombreux points d’ancrage entre les cibles d’action du protoxyde d’azote d’une part et les mécanismes en jeu dans la douleur au cours de l’évolution de la drépanocytose d’autre part rendent plausible la notion d’efficacité de ce produit. En première analyse, remettre en question la légitimité de la demande d’un drépanocytaire supposerait donc, soit de considérer le MEOPA comme inefficace sur ce type de douleur, soit (et) de nier la réalité de la douleur exprimée.
La possibilité de l’addiction Coté soignant, la cause suspectée des conflits a été la probabilité chez ces patients d’une addiction au MEOPA, du moins à son principe actif le protoxyde d’azote. Ouvrage de référence en santé mentale, le DSM V[10] définit l’addiction comme un « mode d'utilisation inadapté d'une substance conduisant à une altération du fonctionnement ou à une souffrance, cliniquement significative ». Cette utilisation pourrait être caractérisée par la présence de certains critères, et ce sur une observation de 12 mois.[11]. Consommé initialement à visée récréative[12] pour obtenir un état d’euphorie et de distorsions sensitives, le protoxyde d’azote pur est une substance au potentiel d’abus et de dépendance reconnu [13]. Son absence d’effet prolongé pourrait conduire à une multiplication des prises, dont l’accumulation recèle un réel risque toxique. Concernant les abus de MEOPA, les données de la littérature, au demeurant quasi-inexistantes, sont cependant complétées en France par celles des CEIP[13] (sous l’égide de l’ANSM[14]). Pour la période d’octobre 2013 à aout 2016 inclus, 9 notifications concernaient le protoxyde d’azote pur et 8 concernaient le MEOPA, remplissant les critères du DSM, toutes d’origine hospitalière et chez des patients porteurs de maladie grave et douloureuse, dont 5 drépanocytaires[15]. Là encore, les patients notifiés auraient recherché un autre effet que l’antalgie. Comment dépister a priori une attitude liée à l’addiction et non à la recherche de soulagement ? Quel rôle joue la douleur dans le comportement du patient et comment est-elle évaluée par le soignant ? Les plus anxieux ou déprimés ne formulent-ils pas une demande légitime ? Existe-t-il des facteurs de risque psychosociaux ? Faudrait-il surseoir à la prescription de MEOPA pour ces patients ? Les drépanocytaires, qui constituent une population particulièrement exposée au risque de mésusage du MEOPA, font l’objet d’un protocole d’étude, PHEDRE [30], à Nantes, visant à renseigner la prévalence et les caractéristiques de leurs consommations problématiques d’antalgiques, dont le MEOPA. Les résultats obtenus pourraient impacter les attitudes et pratiques autour de ce médicament en population générale. Alors que la lutte contre les pratiques addictives apparait clairement comme une priorité ministérielle[16], rappelons qu’en plein « virage ambulatoire » du parcours de santé[17], la place d’un antalgique comme le MEOPA en dehors de l’hôpital reste à définir clairement, mais est d’ores et déjà encadrée[18]. L’approvisionnement en « cartouches chantilly » étant en pratique moins problématique que pour du MEOPA, on peut également s’interroger sur la possibilité du développement de dépendance au protoxyde d’azote initiée lors de soins sous MEOPA, qui conduirait à une consommation ultérieur du gaz pur, en dehors de tout contexte de douleur. N’y aurait-il pas ici le risque d’initier une « toxicomanie sur ordonnance » à l’instar des opioïdes aux Etats-Unis [31], sa réalisation rendue d’autant plus simple que la drogue en question est en vente libre à un prix très accessible[19] ? Quel est actuellement l’impact sanitaire de la consommation dévoyée de protoxyde d’azote pur ? Faudra-t-il limiter la vente de ces cartouches ? Limiter la prescription de MEOPA ? Sur quels critères ?
L’hypothèse de la pseudo-addiction Initialement énoncé par Weissman et Haddox en 1989 [32], puis développé en parallèle de l’augmentation de la consommation d’opioïdes aux Etats-Unis, le concept de pseudo-addiction théorise curieusement un syndrome iatrogène alors que le médecin ne donne pas de médicament ! Ici, le traitement insuffisant de la douleur détermine le patient à adopter un comportement hors normes pour convaincre le soignant que sa douleur est présente, réelle, et qu’elle nécessite un traitement, …qu’il réclame. Cliniquement pseudo-addiction et toxicomanie sont indiscernables, et le concept repose sur une auto-déclaration en pratique invérifiable objectivement : la douleur. Ce qui se joue alors est une crise de confiance bilatérale. Reconnaissance de la douleur ? Masquage d’une conduite addictive ? En cas de pseudo-addiction, il est dit que le soulagement efficace de la douleur fait disparaitre le comportement à problème, comportement qui n’existe pas lors des périodes non douloureuses. Pour reconnaitre la pseudo-addiction… il faut donc donner le produit ! A défaut de quoi il existe un risque de sous-traiter une douleur authentique, comme cela a déjà été décrit concernant la drépanocytose [33-35]. Plus facile à manier lors de douleurs répétées que continues, ce concept a cependant été dénoncé par certains auteurs [36] car accusé de justifier la surconsommation d’opioïdes, produits au potentiel intrinsèque de dépendance et ne réglant par ailleurs pas systématiquement tous les problèmes de douleur chronique. Applicable à la question du MEOPA chez les drépanocytaires, la pseudo-addiction est l’hypothèse envisagée par l’étude PHEDRE [30].
Un peu plus loin… L’énonciation du concept de pseudo-addiction révèle en réalité deux tendances interprétatives bien ancrées dans nos sociétés [37] : d’un côté l’usage compulsif, nocif et improductif du toxicomane, réprouvé par la morale, de l’autre celui du patient douloureux, légitime, acceptable, et correcteur vertueux. D’un côté la responsabilité du toxicomane dans sa maladie (il prend volontairement du plaisir avec son produit), de l’autre la compassion pour le douloureux. Les soignants doivent-ils décider quels seraient les bons patients à traiter par opposition aux toxicomanes à délaisser ? Des publications récentes montrent que le soulagement de la douleur s’accompagne d’une signalisation opioïde endogène dans le cortex cingulaire antérieur[20] liées à la libération de dopamine dans le noyau accumbens[21], déterminant un phénomène dit « de récompense[22] » poussant l’individu à favoriser un comportement qui accélère le soulagement. Les voies de signalisation activées sont les mêmes que celle connues pour la mise en place de la dépendance. Plus qu’un facteur émotionnel modulant l’intensité douloureuse [38], les données récentes sur les caractéristiques émotionnelles et motivationnelles de la douleur décriraient, au plan neurophysiologique, le plaisir comme un des contraires de la douleur [39]. Certains drépanocytaires authentiquement douloureux développeraient une réelle dépendance à leurs antalgiques, et au MEOPA en particulier. En l’absence de dépendance physique, en particulier de syndrome de sevrage, il devient cliniquement impossible de repérer un « addict pur » d’un douloureux en attente de soulagement immédiat, tout en méconnaissant les patients associant ces deux caractéristiques… Didier Cohen-Salmon, dans un très beau texte [23]nous rappelle le désarroi du personnel devant ces enfants exprimant ce sentiment d’abandon masqué initialement par le comportement douloureux, et surgissant après une antalgie efficace. Il est plus facile de traiter la douleur que la souffrance. Quelle angoisse, quel trouble identitaire, quelle carence, la prise du produit viendrait-elle combler chez celui qui le réclame ?
Pour conclure La douleur dans l’histoire naturelle de la drépanocytose montre des caractéristiques bien à elle. Les études en cours et à venir permettront d’employer de façon plus pertinente et sûre le MEOPA. Nos incertitudes soulignent comme il est important d’établir avec ces patients et leur famille une relation informée et confiante permettant de dépister avec bienveillance un comportement toxique sans délaisser la douleur. Mélange dont le principe actif, en vente libre et consommé pur, est une drogue à risques, le MEOPA est lui un médicament. Sa prescription et sa distribution sont encadrées et les inhalations doivent être tracées et suivies. Ces précautions sont indispensables pour éviter à terme la disqualification d’un antalgique utile à tous, à l’hôpital comme en ville. Références
[1] Schématiquement, les complications sont douloureuses, infectieuses, anémiques (hémolyse, séquestrations sanguines), voire neurologiques (AVC), et volontiers intriquées. [2] Certains drépanocytaires finissent par n’avoir plus qu’un site de ponction potentiellement exploitable, comme par exemple le dos de l’auriculaire… (Témoignage personnel). [3] Les enfants de plus de 8 ans utilisent les bolus de PCA de façon autonome plus efficacement. Pour les plus jeunes, un débit continu est souvent nécessaire. [4] Pour les 4 marques de MEOPA disponibles en France (Antasol®, Entonox®, Oxynox®, Kalinox®), consulter le répertoire des spécialités pharmaceutiques de l’ANSM. [5] ANSM, Lettre aux professionnels de santé de septembre 2016. [6] Témoignage personnel [7] Il ne faut pas le confondre avec le monoxyde d’azote (NO, vasodilatateur) qui, lui, a fait l’objet d’études évaluant son impact sur l’évolution la crise vaso-occlusive elle-même. [8] Activité impliquant la dynorphine et les récepteurs kappa, et bloquée par l’antagoniste naloxone (Narcan®) [9] Appelés ainsi car ils sont activés par le N-méthyl-D-aspartate, un agoniste de synthèse. [10] Le DSM V est le « Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders », 5ème édition par l’American Psychiatric Association (2013) [11] Voir à ce sujet : http://www.addictauvergne.fr/echelle-addiction/dsm-5-addiction/ [12] Voir à ce sujet : https://youtu.be/sSDNTS9D19M [13] Centre d’Evaluation et d’Information sur la Pharmacodépendance [14] Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé [15] Voir à ce sujet : http://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/e0ad6a37715f9e67252b49c91dd34fca.pdf [16] Voir à ce sujet : http://solidarites-sante.gouv.fr/ministere/organisation/directions/article/dgs-direction-generale-de-la-sante [17] Voir à ce sujet : http://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/parcours-des-patients-et-des-usagers/article/parcours-de-sante-de-soins-et-de-vie [18] Voir à ce sujet : http://ansm.sante.fr/Activites/Surveillance-des-stupefiants-et-des-psychotropes/Medicaments-a-risque-d-usage-detourne-ou-de-dependance/Medicaments-a-risque-d-usage-detourne-ou-de-dependance/MEOPA-ANTASOL-ENTONOX-KALINOX-OXYNOX [19] Environ 1 euro pour 3 cartouches ! (accédé le 04/10/2017) : https://www.cuisine-et-ustensiles.com/cartouches-siphon-chantilly-n2o/100-cartouches-de-gaz-n2o-liss-pour-siphon-a-chantilly-660.html [20] Région cérébrale impliquée entre autres dans la perception subjective de la douleur [21] Région cérébrale impliquée entre autres dans le système de récompense/renforcement, la dépendance, le plaisir et l'effet placebo [22] Correspondant en réalité à un conditionnement opérant, un apprentissage, une motivation. [23] Voir à ce sujet (accédé le 04/10/2017) : https://didiercohensalmon.org/2017/08/06/le-sens-de-lautre-est-faillible/ Notice n° 1695, créée le 31/10/2017, mise à jour le 11/04/2023 |