Mieux comprendre les antalgiques pour innover Auteur(s) : Eschalier, Alain Congrès : Douleur provoquée par les soins - 14ème Journée de l'A-CNRD Date : 17/10/2019 Lieu : Faculté de Médecine des Saint-Pères, Paris Pr. Alain ESCHALIER, UMR Neuro-Dol, Institut Analgesia Faculté de Médecine, Clermont-Ferrand (63)
Introduction La pharmacopée des antalgiques connaît depuis plusieurs années un déficit d’innovation. Les antalgiques dont disposent les prescripteurs sont anciens, voire très anciens et présentent souvent un ratio bénéfice-risque insatisfaisant. Les nouveaux concepts de médicaments antalgiques sont rares, le dernier médicament conceptuellement nouveau, hors antimigraineux, est le ziconotide commercialisé à la fin des années 1990. Il y a donc un réel besoin d’innovation. Ce besoin est confronté au paradoxe que la connaissance sur les mécanismes physiopathologiques de la douleur progresse, que les publications de recherche sont de plus en plus nombreuses alors que les évolutions conceptuellement innovantes sont inexistantes ou presque. Un tel paradoxe interroge sur la stratégie d’innovation.
Objectif Discuter des évolutions stratégiques envisageables, après avoir fait le point sur les antalgiques usuels et l’actualité pharmacologique.
Les antalgiques usuels et l’actualité pharmacologique Ils sont classés en antalgiques prioritairement utilisés pour 3 familles de douleurs :
L’actualité est dominée pour la première famille par :
Pour la deuxième famille, l’actualité est essentiellement dictée par :
La troisième famille est aujourd’hui le parent pauvre pour les traitements pharmacologiques.
Des évolutions stratégiques pragmatiques pour innover Il convient, dans une perspective d’innovation, de s’interroger sur la façon de faire progresser ce champ de la thérapeutique si nécessaire au mieux-être des patients quand on connaît la fréquence du symptôme douleur et la prévalence de la douleur chronique de 25 à 30%. Mais la réponse n’est ni univoque ni évidente. On peut néanmoins proposer quelques constats factuels dont la prise en compte peut aider à progresser :
L’innovation pourra venir, entre autres, d’une meilleure compréhension des médicaments, ce qui a, en fait, deux facettes :
Mieux comprendre leur mécanisme d’action signifie que l’on identifie les mécanismes moléculaires, en particulier des médicaments reconnus efficaces en clinique. Une telle analyse, bénéficiant des progrès technologiques et de modèles cliniquement pertinents, devrait permettre d’identifier des cibles moléculaires d’intérêt. La conception de ligands[2] de ces cibles pourrait permettre de disposer de candidats médicaments qui auraient de fortes chances d’être efficaces chez le patient car conceptuellement issus de médicaments actuels eux-mêmes efficaces. Ainsi pourraient naître de nouveaux médicaments pour lesquels on aurait, en plus, amélioré le ratio bénéfice-risque. Mieux comprendre l’efficacité thérapeutique des médicaments c’est admettre qu’ils ne peuvent pas être efficaces quel que soit le type de douleur et le patient. Cela passe par une meilleure connaissance du patient avec l’objectif d’identifier des sous-groupes de patients présentant des caractéristiques et des mécanismes physiopathologiques communs justifiant une thérapeutique adaptée, personnalisée. Il s’agit d’une évolution en cours particulièrement dans les douleurs neuropathiques pour lesquelles il est proposé une caractérisation des patients avant traitement en évaluant en particulier leur réaction à des stimuli nociceptifs ou non. Ainsi certaines études montrent une différence d’effet d’un même médicament en fonction du phénotype des patients. On pourrait ainsi évoluer vers l’identification de critères de réponse à tel ou tel traitement, ce qui n’existe pas aujourd’hui. Une autre évolution attendue est le recours à la santé connectée, évolution particulièrement intéressante pour les patients douloureux chroniques. Elle devrait permettre d’avoir un suivi en vie réelle de la douleur mais également des co-morbidités et finalement du bien-être, autant d’éléments que les seules consultations ponctuelles ne peuvent donner. Nous développons dans ce sens le projet e-Dol au sein de l’Institut Analgesia avec la perspective d’une meilleure connaissance des patients et de leur douleur dans leur quotidien. Ce suivi longitudinal pourra aboutir à une définition d’une nouvelle séméiologie de la douleur chronique et par là à l’identification de sous-groupes grâce à l’analyse de symptômes subjectifs mais aussi objectifs.
Conclusion Si le progrès des connaissances fondamentales permettra sans doute des évolutions, ces approches pragmatiques permettront, espérons-le, de mieux comprendre l’efficacité antalgique des médicaments et ainsi d’identifier le bon antalgique pour le bon patient et le bon trouble.
Références bibliographiques
[1] La Food and Drug Administration (FDA, « Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux ») est l'administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments. Cet organisme a, entre autres, le mandat d'autoriser la commercialisation des médicaments sur le territoire des États-Unis. [2] En biologie, un ligand (du latin ligandum, liant) est une molécule qui se lie de manière réversible à une macromolécule ciblée, protéine ou acide nucléique, jouant en général un rôle fonctionnel Mots-clés : antalgique / efficacité / efficacité thérapeutique / effet indésirable / innovation / mécanisme d'action / santé connectée / thérapeutique personnalisée / Journée / CNRD / douleur / souffrance / bibliographie |