La musicothérapie réceptive individuelle au service d’Évaluation et Traitement de la Douleur chronique de l’hôpital Rothschild
Christine ROILLET et Eléonore DARNAUD, musicothérapeutes,
Hôpital Rothschild, centre de la douleur (CETD), APHP, Paris (75)
Le Service d’Évaluation et Traitement de la Douleur a mis à la disposition de Christine Roillet, musicothérapeute, une salle de consultation avec un bureau et une table d’examen. Les patients souffrent au niveau de la région du bassin et ont des difficultés à s’asseoir ou à être allongés sur une surface dure. Un « Fatboy », gros coussin gonflable qui forme un matelas enveloppant plus confortable leur est proposé. Un gros ballon gonflable est aussi disponible pour s’asseoir.
L’écoute du montage musical de relaxation se fait au casque ; un bandeau sur les yeux est ajouté afin que la personne soit immergée complètement dans la musique.
Chez chaque patient, la douleur est une obligation de remise en question de son fonctionnement. Cela se fait plus ou moins harmonieusement. Changer est difficile, voire impossible pour certains.
Il y a des difficultés respiratoires. Les douleurs étant localisées dans la région pelvienne, les personnes ont tendance à serrer le ventre pour contenir la souffrance et la respiration se déplace alors vers le haut. Le ventre ne se détend plus à l’inspiration. Souvent, avant l’écoute du montage musical, Christine Roillet propose de placer une main sur le ventre en dessous du nombril et d’essayer de gonfler cette partie-là à l’inspiration.
Malgré une bonne volonté évidente, on sent une résistance, plus ou moins forte selon les cas. Et une peur aussi peut-être de réveiller la douleur contenue par la contraction qui devient une attitude normale.
Chez tous les patients le moment de verbalisation est très apprécié. La musicothérapeute a remarqué que ces personnes ne pouvaient pas, ou plus, parler de leurs douleurs avec leurs proches : soit parce que cela dure depuis un moment déjà et qu’elles culpabilisent, soit parce qu’elles sont seules ou qu’elles ne sentent pas d’écoute attentive autour d’elles.
L’anamnèse et le test de réceptivité musicale
La première séance, c’est l’établissement de la confiance.
La séance commence par l’anamnèse, une série de questions qui permet d’aborder les thèmes principaux de la problématique : quelle douleur ? votre entourage familial ? la musique dans votre vie ?
Puis s’enchaîne le test de réceptivité musicale. Ce sont des extraits de musique choisis que le patient devra noter émotionnellement : « sérénité, angoisse apaisement, joie, tristesse, etc.. ». Cela apportera les indications nécessaires pour l’élaboration du montage de relaxation musicale.
Les Mind Maps (Cartes mentales) : au cours de la discussion nous établirons une Mind Map autour de la problématique la plus prégnante.
Cet outil, qui est réalisé avec (ou par) le patient, est très précieux. Il permet une visualisation simple et directe d’un état des lieux autour d’une émotion. Quand on montre le chemin parcouru, c’est facile de revenir aux Mind Maps, le patient se rend compte tout de suite de l’évolution.
Les effets du montage en U
Les patients sont installés dans le « Fatboy », le lit gonflable, confortable et enveloppant. Puis on donne le casque, une couverture et un bandeau pour les yeux.
Il leur est demandé de respirer calmement. La musicothérapeute met aussi un casque et écoute en même temps pour suivre les émotions provoquées par les morceaux proposés, contrôler le volume et regarder le visage de la personne et sa respiration.
Le moment de détente musicale est pour tous une source de bien-être. Le corps devient plus lourd, les muscles du visage se décontractent et la respiration s’apaise.
Conclusion
Toute l’énergie de la personne douloureuse est utilisée à la contenir.
Elle a tendance à se refermer physiquement et psychiquement sur elle-même.
La musicothérapie aide à déplier doucement les sens endoloris.
La musique permet de relâcher le mental et rend possible une détente musculaire paradoxalement appréhendée par la personne en souffrance. Celle-ci peut goûter à une paix momentanée et le rôle du musicothérapeute est de l’identifier, c’est-à-dire de faire en sorte que le patient se rende compte qu’il se détend s’il respire profondément et s’il se met dans une situation paisible avec une musique choisie. Une fois cette détente ressentie, il lui est possible de la reproduire.
La musicothérapie offre un espace de paroles qui est très important dans la pathologie de la douleur chronique. Chez tous les patients, un besoin très fort de verbalisation a été observé, même s’il est souvent teinté de lassitude à raconter son histoire personnelle.
La personne douloureuse a fait un long chemin avant d’arriver dans le service de la douleur chronique, et ce chemin a parfois été humiliant. Il y a un soulagement à pouvoir parler en ayant la perspective du moment musical qui va détendre.
La musicothérapeute essaie de trouver des chemins vers plus de conscience ; conscience de la respiration, conscience de la posture, conscience du moment présent, conscience des moments positifs.
Chez tous les patients, la douleur n’est pas que négative, elle permet aussi de changer un positionnement social ou familial. Elle se déclenche en réponse à une impossibilité de prendre une décision. Avec l’aide des Mind Maps, il s’agit de rendre plus visible la complexité de la douleur, de souligner « l’aide » que la douleur a pu apporter à un moment crucial. En obligeant la personne à s’occuper d’elle-même, la douleur va agir comme catalyseur. Il faut souligner les aspects positifs pour que la personne tente d’apprivoiser sa douleur et puisse envisager les évolutions qui s’imposent à elle afin de la diminuer voire la faire disparaître.
La douleur raconte souvent des choses contradictoires. Elle met en lumière les points faibles et la personne devra faire un long chemin d’acceptation et d’introspection pour se rétablir.
en vidéo :
- la présentation du film par les auteurs
- le film sur la chaine Youtube de la réalisatrice