CNRD
Centre National Ressources Douleur
Envoyer par mailImprimer

Informer par le jeu, la parole de l’enfant dans les soins

Auteur(s) : Minguet, Bénédicte
Congrès : Douleur Provoquée par les soins - 14è Journée de l'A-CNRD
Date : 17/10/2019
Lieu : Faculté de Médecine des Saint-Pères, Paris 75006


Bénédicte MINGUET, Docteur en psychologie, CHC Liège, Belgique

Romain a 6 ans, il présente des troubles du comportement et le neuropédiatre a prescrit, parmi les examens à visée diagnostique, une IRM. Le médecin n’est pas certain que l’enfant pourra rester 20 minutes dans la machine sans bouger. Afin d’éviter l’anesthésie générale, il l’oriente vers la Clinique En-jeu pour l’informer précisément de l’examen, le familiariser avec les conditions de passation, soutenir son autonomie et ses ressources pour faire face aux désagréments de la passation.

La Clinique En-jeu est un espace réservé à l’information par le jeu dans lequel l’enfant et ses parents se présentent sur rendez-vous une semaine avant l’examen. Comme cet espace est équipé d’un hôpital à hauteur d’enfant, la psychologue propose de se préparer aux conditions d’examen, en s’appuyant sur les effets du jeu, de la mise en scène et de la simulation de l’examen.

« Vous verrez, il ne parviendra pas à rester tranquille » nous annonce son éducatrice - accompagnatrice, d’entrée de jeu. Et pourtant au bout de 45 minutes, l’enfant parvient à se plier aux consignes. Mais pas seulement. En effet, la démarche progressive d’appropriation de l’examen, au travers des modules didactiques aux dimensions variées, lui apporte une connaissance de la situation, un autocontrôle renforcé, une distanciation face aux effets massifs de la machine et un sentiment d’efficacité personnelle. Un cercle vertueux pour rétablir une alliance thérapeutique avec son accompagnatrice.

Une semaine plus tard, l’IRM se passe sans souci et sans anesthésie. Car en effet, dans l’intervalle, les effets de la séance se prolongent dans une anticipation positive, une représentation partagée de l’expérience vécue et à vivre en conditions réelles. Les conditions de l’alliance thérapeutique vont pouvoir se déployer aussi avec les techniciens, les manipulateurs du service d’IM, par transition. L’enfant est acteur de sa santé. Et l’hôpital lui a offert les conditions de l’être.

La réalisation de ce projet a débuté en 1996, lorsqu’après avoir intégré la démarche des Child Life Specialist (Québec), nous avons appliqué les concepts et développé la démarche de l’information des enfants dans l’ensemble des services pédiatriques de l’hôpital, c’est-à-dire en lien avec la variété des soins et interventions chirurgicales proposées.

Le programme le plus ancien et cependant toujours d’actualité, consiste en la mise en place d’une consultation d’information autour de l’intervention chirurgicale, associée à la consultation d’anesthésie. A ce jour plus de 24 000 enfants en ont bénéficié. Le programme le plus abouti consiste en la Clinique En jeu qui, par son espace reconnu de tous à l’hôpital, s’inscrit dans l’organisation de la prise en charge des enfants, tant pour les enfants hospitalisés que dans la protocolisation du parcours opératoire.

Un projet de longue durée, des actes au quotidien

Cette démarche d’information, institutionnelle, permet la mise en place de trois programmes d’information hebdomadaires, associés aux consultations : en chirurgie et en imagerie médicale pour les IRM, scanner, et cystographie. Ces dispositifs spéciaux basés sur l’information par le jeu, et s’inscrivant en tiers dans la relation soignant-soigné, témoignent à quel point l’enfant a besoin d’espaces de transition (espace transitionnel dirait D. Winnicott) pour intégrer la somme d’informations reçues et se positionner de façon active dans des situations qui le dépassent, totalement gérées par les adultes et les contraintes organisationnelles. Au quotidien cependant, informer l’enfant requiert des outils adaptés, visuels comme les documents de l’Association Sparadrap avec toute l’attention sur la façon de les présenter et le temps de recevoir les questions en retour. Car dans le fond, qu’est-ce que l’enfant a compris de l’information ? Comment évaluer ce qu’il en a retenu, que va-t-il pouvoir en faire ? Autant d’étapes aujourd’hui contenues dans la démarche d’information

au-delà de la simple dispense d’information orale.

La psychologie de l’enfant

La dimension psychologique présente dans les situations d’information concerne à la fois l’enfant, avec son âge, ses peurs, ses représentations liées au vécu antérieur ou à ce qu’il en a déjà entendu. Elle concerne également les parents, les accompagnants. Défaire un souvenir difficile (lié à leur propre expérience ou celle de leur enfant) ou une représentation erronée est souvent nécessaire pour rétablir l’alliance thérapeutique avec l’enfant, puis avec le soignant.

Le paradigme de la prévention

Dans le fond, pour intégrer une démarche d’information dans les soins, il faudrait pouvoir modifier quelque peu le paradigme du soin pour y insérer la dimension de la prévention liée au soin aigu. C’est parce que les soignants travailleront à l’anticipation du soin (informer en dehors de la situation de soin) que cette information pourra déployer ses effets. On sait cependant combien il est difficile d’intégrer ce geste lorsque la surcharge de travail impose un rythme d’action serré.

Informer, distraire, accompagner

Aujourd’hui les équipes disposent également de l’outil de distraction au moment du soin, qui permet de faire participer l’enfant, dans les ressources dont il dispose afin de créer le contexte propice à l’application du soin. Outil précieux qui ne doit cependant pas évincer la démarche d’information qui se situe bien en amont. Aujourd’hui, le Care Pédiatrique (Lombart, 2015) articule ces notions leur conférant une dimension éthique liée à l’autonomie du patient, le patient acteur de sa santé, la prise en compte de la parole de l’enfant dans les soins.

Progressivement la démarche se déploie dans le secteur adulte lorsque l’on mesure son effet bénéfique sur les parents des enfants que l’on informe de la sorte. L’outil peut s’adapter mais l’importance d’espace-tiers, et d’objet-tiers qui permettent d’expérimenter, simuler, voir de près, toucher sont aujourd’hui attendus par les patients adultes : « Moi aussi je souhaiterais passer par la Clinique En-Jeu pour me préparer à l’IRM ». En effet, sur huit patients adultes, un d’entre eux n’osera pas « monter » dans la machine avec le risque même de ne plus jamais se présenter à l’examen.

Bibliographie

  • Lombart, B. (2015). Le care en pédiatrie. Recherche en soins infirmiers 122 (3) : pp 67-76
  • Minguet, B. (2009). Humanisation des milieux pédiatriques. Enjeux, méthodes et limites. Thèse de doctorat, ULG.
  • Minguet, B. (2014). Le jeu, outil essentiel pour informer l’enfant et sa famille. Les cahiers de la puéricultrice. N°275. pp12-15.
  • Minguet, B (2014). Se former pour intégrer le jeu dans les soins. Les cahiers de la puéricultrice. N°275. pp16, 17
  • Minguet, B., Fafchamps, M. (2018). L’enfant partenaire de soins, l’enfant, acteur des soins .La Clinique En-Jeu. Ethica Clinica, 90 (2) : pp 18-33.
  • sparadrap.com
  • http://www.chc.be/cliniqueenjeu.aspx

Mots-clés : jeu / information du patient / enfant / préparation / soins / Journée / CNRD